La nouvelle directrice générale, Agathe Monpays, vient de raboter son comité exécutif et de faire des économies à tous les étages. Alors que la vache à lait de la galaxie Mulliez affiche des résultats en demi-teinte, les dividendes sont toutefois augmentés.
La jeunesse d'Agathe Monpays détonne au sein du cénacle des directeurs
généraux de la galaxie Mulliez. La nouvelle patronne de Leroy Merlin n'avait
que 28 ans lorsque le groupe lui a confié la direction générale du numéro un
français du bricolage, en septembre. Mais à l'instar de ses nouveaux pairs, elle
s'est depuis parfaitement fondue dans la culture de discrétion inhérente à
l'empire nordiste. Rien ne filtre, ou presque, sur son management et ses
orientations stratégiques. Pourtant, la jeune femme, qui n'a quitté sa région
natale du Nord que pour diriger la filiale grecque de Leroy Merlin, un an
avant son intronisation, vient de jouer au chamboule-tout avec son
organigramme de gouvernance.
Selon une note interne datée de la fin avril, l'ancien comité exécutif de
l'enseigne, qui comptait neuf membres, devient un comité de direction
resserré à quatre. Autour de la nouvelle DG, Dimitri Lecocq conserve son
poste de numéro deux en devenant directeur de "l'enjeu client et de l'habitat
positif". Un poste très large, qui regroupe la stratégie, le développement,
l'omnicommerce et l'offre. L'actuel directeur financier, Venceslas Boutan,
devient directeur de "l'enjeu industrialisation et performance durable", avec,
en plus des finances, le digital, la supply chain, l'immobilier et le secrétariat
général. Enfin, un poste de directeur de "l'enjeu humain et local" reste à
pourvoir. En plus des ressources humaines, l'heureux élu supervisera le
réseau des directeurs régionaux.
De même, l'ancienne "Leader Team France", qui regroupait une quarantaine
de dirigeants, avec parfois plusieurs directeurs pour un même service, est
resserrée à 21 personnes, toutes rattachées à l'un des trois directeurs
généraux délégués
Ce régime amaigrissant des organisations a comme première vertu de donner
l'exemple dans la période difficile que traverse l'enseigne. Le chiffre
d'affaires n'a progressé que de 1,3 % l'an dernier malgré l'inflation, pour
atteindre 9,8 milliards d'euros. Et l'année 2024 s'annonce bien plus
compliquée, puisque les ventes ont chuté, selon nos informations, de 5 % entre
janvier et fin avril.
Comme le résultat opérationnel, tenu secret, était en retrait de plus de 20 %
par rapport aux objectifs, les salariés ont été mis à rude épreuve. À peine nommée officiellement, Agathe Monpays a fait passer, le 7 septembre, une
note interne de trois pages à l'ensemble de ses collaborateurs pour annoncer
un plan de réduction des coûts. Baptisé Pacte One Team, il s'est traduit
notamment par l'arrêt de tous les projets non essentiels en cours, l'annulation
des formations, des voyages et des campus, qui rassemblaient auparavant les
collaborateurs autour d'un métier du bricolage. Il s'est surtout accompagné
d'un gel des embauches en CDI, CDD et en intérim, pour n'autoriser que la
mobilité interne.
Ce "pacte" faisait suite à une première coupe franche, baptisée "Puissance 4"
puisqu'elle se focalisait, à l'époque, sur les économies à faire au quatrième
trimestre 2022. Au total, ces plans ont permis, selon nos informations,
d'économiser près de 70 millions d'euros.
Et ce n'est pas fini. En silence et sans organiser de plan de sauvegarde de
l'emploi, l'entreprise est en train de supprimer 188 postes de comptables,
répartis sur les 145 magasins de l'enseigne. Leur travail sera repris par leurs
homologues du siège, aidés par de nouveaux logiciels. La direction a
également fait comprendre aux 1 800 cadres de ce siège, situé à Lezennes, en
banlieue de Lille, qu'un dégraissage de 300 personnes était progressivement
organisé en jouant sur les départs volontaires provoqués, les mises en
préretraite et les ruptures conventionnelles.
Le climat social s'est fortement dégradé ces dernières années. Le turnover,
tous salariés confondus, est passé de 9,5 % en 2019 à 17 % en 2022. Il grimpe à
37 % pour les personnes arrivées il y a moins d'un an et à 42 % pour les
conseillers de vente, auxquels on demande de plus en plus souvent de faire de
la mise en rayon. La direction, jusqu'ici pléthorique, se devait donc demontrer l'exemple. De l'ancien "colead" à neuf, au moins deux personnes, l'ex-
DRH Laure Gandouet et la directrice du développement, Adiba Sadik, vont quitter l'entreprise. D'autres pourraient suivre.
Mais pour Agathe Monpays, le but premier de cette transformation est de
redonner le pouvoir de décision au terrain. Les 145 directeurs de magasins,
qui ont déjà la rêne longue, sont appelés à participer de plus en plus à
l'élaboration de la stratégie. Depuis début mai, ils sont invités à dégager 10 %
de leur temps pour participer à une trentaine de comités de pilotage sur les grands sujets stratégiques du groupe, comme la rénovation énergétique, le
développement de l'offre à destination des professionnels ou encore les
nouveaux canaux de distribution.
Leroy Merlin s'est toujours fait fort d'impliquer l'ensemble de ses salariés à sa
stratégie. Marc Renaud, directeur de la communication, vient de donner le
coup d'envoi de la "Vision 2035". Cette grande opération de brainstorming
collectif, qui consiste à demander à chaque salarié d'imaginer son Leroy
Merlin dans dix ans, en est à sa quatrième édition depuis 1995.
Pendant un an et demi, les 28 000 collaborateurs vont participer à des groupes
de parole, des visites dans d'autres entreprises, concurrentes ou non, des
sondages divers, avant un grand compte rendu, début 2026. Dès septembre,
Leroy Merlin fêtera aussi ses 100 ans dans une nuit de fête à travers la France.
Un même DJ enverra la musique dans chacune des régions où se déroulera
l'événement. Pas sûr que cela redonne le sourire aux employés des magasins,
alors que plus aucun intéressement économique n'est versé depuis deux ans.
Comentarios