L’enseigne avait promis il y a un an de se désengager de Russie, de céder le contrôle de sa filiale locale. Le journal L’Express a enquêté et Béatrice Mathieu nous révèle aujourd'hui que Leroy Merlin est loin d'avoir tenu sa promesse.
Par un tour de passe-passe, l'enseigne s'est vendue à elle-même, en toute discrétion, ses activités russes. Il faut d'abord que je vous explique bien, qu'entre l'enseigne de bricolage et la Russie, c‘est une longue histoire qui a commencé en 2004 avec l’ouverture d’un premier magasin dans la banlieue de Moscou. Le succès a été immédiat et l’enseigne de bricolage qui fait partie de l’empire Mulliez (avec Auchan ou encore Decathlon) compte aujourd’hui 113 magasins dans tout le pays et emploie près de 45 000 salariés. Ce qui fait de Leroy Merlin, la plus grosse entreprise étrangère en Russie en termes de chiffres d’affaires. Une filiale très prospère puisqu’elle pèse à elle seule quasiment un quart du chiffre d’affaires d’Adeo, la maison mère de Leroy Merlin.
Au début de la guerre en Ukraine, il y a deux ans, pas question pour l’enseigne de bricolage de quitter la Russie : elle dit vouloir rester pour ses salariés. Et puis les mois passent, la guerre s’installe, les sanctions économiques contre la Russie pleuvent. Et sur les réseaux sociaux, Leroy Merlin est rebaptisé Leroy Kremlin. C’en est trop : il y a an, le groupe annonce vouloir céder le contrôle de sa filiale russe au management local. Et puis plus rien…
C’est là que les choses se compliquent : la filiale russe a-t-elle été cédée ?
Le 1er décembre dernier sans aucune communication officielle en France, ni aux salariés, ni aux syndicats, la filiale russe a été vendue à une société nommée Scenarii Holding basée… aux Emirats arabes unis. Nous avons suivi sa trace dans une zone « franche » à Dubaï là où l’impôt sur les sociétés est quasiment inexistant. On a surtout trouvé que cette société Scenarii Holding c'était toujours la propriété de Leroy Merlin avec à sa tête un directeur, un Français. On a vraiment affaire a un jeu de poupées « russes », avec un empilement de sociétés écrans dans une des zones franches les plus opaques de Dubaï.
Comment expliquer un tel empilement de structures opaques ?
Nous avons posé la question à Leroy Merlin qui n’a pas souhaité faire de commentaires.
Derrière ce vrai faux départ de Russie, plusieurs avocats fiscalistes nous ont confirmé que cette technique était bien connue des milieux financiers. Elle permettrait de sortir les bénéfices d’un pays, après les avoir fait transiter par une cascade de sociétés opaques. Des mécanismes qui relèvent, au mieux, de l’optimisation fiscale. Au pire, du blanchiment.Pendant ce temps, en Ukraine, Leroy Merlin est sur le point de fermer ses derniers magasins.
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